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  • Photo du rédacteurCamille Prost

Biennale du quatuor à cordes 2020

Dernière mise à jour : 20 avr. 2020




Rétrospective sur la Biennale du Quatuor à cordes 2020
Retour sur la Biennale du quatuor à cordes 2020


9ème édition de la Biennale du quatuor


Au moment de franchir la ligne d’arrivée de mon marathon de quatuors à cordes, j'ai eu envie de décrire ces moments de plaisir si particuliers pour les partager !

J’ai découvert la biennale en 2012, pendant mes années de thèse. J’avais alors écouté un maximum d’ensembles et eu la chance de rencontrer des quartettistes incroyables qui avaient pris le temps de me parler de leur pratique et m'avaient ouvert leurs sessions de répétitions. Depuis, c’est un peu ma madeleine de Proust, un pèlerinage et un havre de paix inspirant...

Cet article est conçu tout à la fois comme un billet d’humeur et un retour d’expérience, en 9 points (puisqu’il agit de la 9ème édition !)


#1 S’imprégner :

Il y a, tout d’abord, une ambiance 'Biennale', un public mélomane, deux salles dédiées : le petit auditorium pour une atmosphère intimiste (avec l'orgue en toile de fond) et la grande salle, plus impressionnante. L’acoustique est radicalement différente ; je passe donc de l’une à l’autre en me laissant porter, pour ne vivre, pour quelques jours, que pour la musique.

J’aime cet hors du temps ; un luxe à notre époque... J'oublie l’heure, les problèmes de transport, les grèves. Je croise des amis entre deux concerts, échange avec d’autres mélomanes chevronnés, conseille des néophytes, flâne à la librairie (mise à jour bibliographique oblige) et prends des notes sur mon petit carnet dédié, en bonne professionnelle du secteur !


#2 Avant chaque concert, imaginer :

4 petites chaises, 4 pupitres : le cadre est posé. C’est un horizon d’attente, une promesse grisante pour celui qui accepte de prendre le temps.

Cet avant-concert ne ressemble ni à ceux des grands concerts symphoniques, ni à ceux des opéras ... Pas de cacophonie en fosse, pas d’accord, pas de rideau, juste le murmure du public impatient.

Je projette, avant l’arrivée des artistes, des sons, des impressions, des bribes de thèmes ou des images... Le silence avant un quatuor est déjà du quatuor !


#3 Voir et entendre :

Le quatuor à cordes s’écoute, évidemment, mais, dans ce cadre, il se voit. On découvre des corps musiciens, des gestes, des mimiques, la chorégraphie des 8 pieds glissant sur le sol, des regards complices, des mouvements parfaitement synchronisés, de profondes respirations simultanées. Se dégage de ce curieux ballet à quatre une énergie incroyable.

Au parterre, depuis la deuxième galerie, à droite, à gauche, au centre, de près ou de loin... je tourne, concert après concert, autour de ces quatre spécimens d’homo musicus, pour des observations quasi naturalistes!

J’avoue guetter aussi les petites manies : chaussures vernies ou mates ? Robes ou pantalons ? Tablettes dernière génération ou partitions papier ? Cravates ou nœuds pap’ ? Chaises ou larges tabourets? Tenues uniformisées ou dépareillées ? Je mentirais en vous disant que la Biennale est la fashion week de la musique, mais j’aime imaginer que ces petits détails révèlent quelque chose de l’identité de l’ensemble. Un peu comme les photos de leurs pochettes de disque.


#4 Pouvoir comparer :

Assister à quatre, cinq, sept ou dix concerts, c’est percevoir les points communs, sorte de dénominateur qui permet de toucher à l’essence de ce genre, mais aussi les différences, tantôt flagrantes, tantôt quasiment imperceptibles.

Bref, c’est l’occasion idéale de se faire l'oreille, de se familiariser avec les différentes écoles de quatuor et, surtout, de se forger un goût.

Vivre quelques jours en immersion dans ce son, c’est s’imprégner, physiquement, du timbre du quatuor, ce drôle de méta-instrument à 16 cordes. L’ouïe prend plaisir à remarquer les différences entre les quatuors programmés ; certains produisent une fusion parfaite, d’autres témoignent de certains déséquilibres, certains sont puissants et dégagent une force tellurique, là où d’autres sont davantage du côté de la délicatesse, du raffinement et de la sensualité.


#5 Re-découvrir :

C’est l’occasion d’entendre les œuvres majeures de cet immense répertoire. Cette année : l’intégrale Beethoven! Qui ne connaît pas ces œuvres va entrer avec bonheur dans un univers aussi cérébral que passionné, aussi dramatiquement contrasté que génialement construit.

J’aime anticiper lorsqu’il s’agit d’œuvres que je connais par cœur (éternelle question de la perception musicale en philosophie de la musique...), me remettre en tête des pièces que je n’avais pas entendues depuis longtemps et me laisser surprendre par des créations contemporaines.


#6 ... et découvrir :

La politique de commandes est en effet une des forces de la biennale et il est intéressant de constater la vitalité de ce genre, pourtant né dans la seconde moitié du XVIIIème siècle. J’aime d'ailleurs rappeler que cette permanence de ce genre dans l’histoire de la musique est exceptionnelle🏆!

Il est souvent décisif dans l’itinéraire d’un ensemble de travailler avec un compositeur et de donner naissance à une œuvre. Certains en ont fait leur spécialité, d’autres s’y risquent avec plus ou moins de succès...


#7 Apprendre techniquement :

En tant que musicienne, je profite aussi de la biennale pour scruter les mains gauches et droites (surtout droites, cette fois-ci, car c’est celle qui me donne actuellement du fil à retorde) des violoncellistes.

Petite leçon de souplesse de main droite (pince pouce/index et articulation des mouvements du bras et du poignet...), petit cours de vibrato par-ci, petit mémo concernant des doigtés par-là. J’analyse et j’emmagasine ces informations...

Il est regrettable que les musiciens amateurs ne soient pas suffisamment mélomanes. Cette phrase a quelque chose d’étrange, mais il s'agit pourtant d’une réalité : Celui qui pratique n’est pas toujours celui qui écoute ! Ce sont pourtant des moments tellement précieux, pédagogiquement parlant.


#8 Dresser le bilan de cette édition :

J’ai aimé cette année découvrir le quatuor Goldmund, coup de cœur dans Haydn,

J’ai aimé entendre la création de Dequin Wen,

J’ai savouré (une fois encore) le son puissant des Modigliani,

J’ai admiré la maîtrise technique du quatuor de Jérusalem,

Je salue la ferveur et l'engagement du quatuor Castalian dans le Chant de reconnaissance (Beethoven 15, III)

Que c'est beau de vivre quelques jours avec ce son en continu dans la tête !


#9 Dire merci :

Cet article est aussi un petit hommage à tous ceux qui font vivre le monde du quatuor à cordes aujourd’hui : musiciens et compositeurs certes, mais aussi luthiers (on les oublie trop souvent, ils sont pourtant confidents, compagnons fidèles œuvrant dans l’ombre, voire psy ! ), agents, administrateurs, programmateurs, kinés et médecins spécialisés dans les capsulites (et autres maux du musicien), hommes et femmes des équipes techniques des salles de spectacle, institutions publiques, mécènes privés (notamment les anonymes qui prêtent des instruments de très grande valeur) et public fidèle...

Amis mélomanes, plongez avec délice dans le quatuor !

Néophytes, curieux, lancez-vous ! Vous ne le regretterez pas.

🎻🎻🎻🎻

Ps : Pour les plus courageux et motivés, ma thèse sur le sujet est en ligne : https://www.theses.fr/187230196


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