Vous avez envie de sortir pour vous nourrir d’art et de culture. Vous êtes donc devant votre écran, sur le site internet d’une institution culturelle, pour prendre un billet.
Onglet « réserver », « choisir sa place » et là… Moment de perplexité !
Comment choisir ? Comment décrypter ces petits ronds colorés sur un plan rectangulaire ? Comment imaginer de la 3D sur cette image abstraite ? Les places les plus chères sont-elles les plus confortables, ont-elles toujours une excellente visibilité ? Comment seront disposés les musiciens sur scène ?
Je m'associe pour l'occasion à Jean-Jacques Griot, fondateur d’Écoute classique. Nous répondons ensemble à cette épineuse question.
Première chose : les agents de billetterie sont à votre disposition pour vous aiguiller et vous accompagner par téléphone ou, sur place, à la billetterie. Ils connaissent la salle comme leur poche et sont formés à vous aider. N’hésitez pas à les solliciter.
Cela étant dit, il y a autant de salles que de plans : style de bâtiment, matériaux de construction, éléments de décoration, nombre de places, spécificités architecturales et acoustiques… L’enjeu est donc de parvenir dégager des constantes au milieu de toute cette diversité.
Ces lieux sont souvent magnifiques, certes, mais ce ne sont pas des musées, des objets patrimoniaux sans vie. Ce sont des lieux de spectacle vivant, des endroits qui possèdent des espaces de convivialité : un bar, un foyer, des galeries avec des banquettes, des vestiaires. Tout est mis en œuvre pour que vous soyez accueillis dans les meilleures conditions, de votre entrée dans le bâtiment, jusqu’à votre siège. Aujourd’hui, il n’y a ni dresscode imposé, ni pré-requis obligatoires. Poussez la porte sans appréhension !
Le cas des théâtres à l’italienne : enfer ou atout charme ?
Les salles de spectacle anciennes sont souvent des théâtres dits à l’italienne. Ce terme renvoie à l'organisation des volumes intérieurs des théâtres dont les premiers exemples remontent à la fin du XVIe siècle en Italie. Ce style d'édifice a été particulièrement prisé entre les XVIIIe et XIXe siècles. En voici les principales caractéristiques :
une nette séparation entre la scène et le public ;
une forme en fer à cheval (en U) côté public ;
la disparition des gradins, remplacés par des galeries et des loges, sur différents étages
Leur jauge (capacité d’accueil), les nombre d’étages, leur décoration, la taille du cadre de scène varient ; les spécialistes en distinguent plusieurs types, mais ils sont, globalement, construits sur les mêmes principes :
Le niveau 0 est appelé parterre ou orchestre.
Les différents niveaux au-dessus sont appelés galeries, balcons ou corbeilles.
Tous sont divisés en différentes rangées.
Traditionnellement le rang A est celui qui est le plus près de la scène puis on recule dans l’ordre l’alphabétique : le 4ème rang est donc le rang D, par exemple.
Il faut ensuite imaginer que ce grand espace est divisé en deux parties le long d’un axe central : les places 1 sont toujours au milieu du rang. Puis :
- d’un côté : les places paires (côté cour)
- de l’autre, les places impaires (côté jardin)
La place E 35 n’est donc pas à côté de la place E 36, qui est à l’autre bout de la rangée, mais bien entre la place E33 et la place E 37 !
Plus le numéro de la place est élevé, plus la place est donc décentrée.
Il s’agit donc pour trouver son siège de repérer :
a) L’étage : suis-je au parterre (niveau 0) ? Suis-je en 2ème galerie (2ème étage) ?
b) Le rang : suis-je au premier rang (rang A) ou au 10ème rang (rang J)
c) La place : suis-je au centre : places 1, 2, 3 … ou plus excentré.e : places 10, 25, 35…
De la nécessité des catégories
Puisque toutes les places ne se valent pas, les lieux de spectacle concernés mettent en place des catégories, afin de répercuter ces inégalités d'un point de vue financier.
Voici un exemple :
Catégorie 1 : Les meilleures places du théâtre, principalement en orchestre et corbeille, avec une visibilité optimale.
Catégorie 2 : De bonnes places, mais moins centrales que les places de la catégorie 1.
Catégorie 3 : Ces places permettent de suivre le spectacle avec un petit compromis sur la visibilité (petit angle mort ou présence de colonnes dans le champ de vision).
Catégorie 4 : La majorité de ces places permet de suivre le spectacle tout en faisant un compromis sur la visibilité.
Catégorie 5 : Des places à tarifs accessibles, avec une visibilité réduite.
Catégorie 6 : Des places sans visibilité à tout petit prix, pour voir avec ses oreilles !
On choisit également sa place en fonction du type de spectacle choisi. La suite de l’article donne donc quelques petites astuces selon cette typologie.
Un choix en fonction de l’œuvre et du nombre d'artistes
a. La musique de chambre : proximité et intimité
Précision, délicatesse du geste et ambiance intimiste... Les concerts de musique de chambre sont fabuleux dans des salles petites à moyennes. Les musiciens amateurs qui se rendent à ce type de concerts aiment regarder les artistes de très près, pour examiner leurs mains, leurs gestes, la manière dont ils respirent, se regardent et vivent la musique collectivement.
b. L’opéra : la battle !
Deux écoles de spectateurs à l'opéra : les adeptes de la proximité et les adeptes du large champ de vision. Voici quels sont leurs arguments, vous choisirez dans quel camp vous placer !
Les arguments des premiers :
- il faut pouvoir voir les visages des chanteurs de près et, pour cela, rien de mieux que les places dans les premiers rangs du parterre/de l'orchestre.
- il faut vivre intensément les mouvements sur scène et se sentir "au cœur de l'action"
- il faut pouvoir voir les détails des costumes
- il faut pouvoir examiner les éléments de décor et les objets de la mise en scène
- on est proche du chef : vue sur sa nuque et examen de ses gestes !
Les arguments des seconds :
- l'opéra est un spectacle d'art total et, pour pouvoir tout embrasser du regard, mieux vaut prendre un peu de hauteur !
- il faut pouvoir avoir le recul suffisant pour voir l'intégralité de la scène/ de plateau
- le son est meilleur un peu plus haut : les différentes sonorités se sont savamment mêlées avant d'arriver jusqu'à nos oreilles
- la vue plongeante depuis les galeries permet de surplomber l'orchestre et de voir l'ensemble des musiciens
C'est la raison pour laquelle les meilleures places sont traditionnellement :
- au premiers rangs du parterre
- au centre des galeries : surtout première et seconde galerie (après c'est un peu plus loin...)
Tout cela dépend des goûts de chacun.
- les personnes ayant le vertige préfèrent en général les étages inférieurs,
- d'autres se sentent mal au milieu d'une rangée et préfèrent être en bout de rang,
- d'autres encore aiment au contraire l'immersion totale, au cœur de la salle.
c. La musique symphonique ... et ses variations
L'orchestre est la plupart du temps (ce n'est pas une vérité absolue !) disposé de cette façon :
Vous êtes plutôt violons, harpe, placez vous à gauche (côté jardin/places impaires).
Vous êtes plutôt violoncelles, contrebasses et trombones, placez vous à droite (côté cour/places paires) ...
Vérifiez toutefois le plan de la salle et jetez un œil au répertoire, cette disposition n'est pas la seule à être utilisée. Pour le reste, la logique est la même que pour les autres types de spectacle : tout près, on voit les détails mais on perd la vue d'ensemble ; plus loin, on perd en précision mais on gagne en vision d'ensemble.
Et pour les concertos de soliste ? Le musicien-star est placé à la gauche du chef, pensez-y ! Vous voulez voir les mains du pianiste ? Optez pour le côté jardin.
Vous voulez voir les expressions de son visage ? Optez pour le côté cour.
Bon à savoir :
Dans certaines salles, le public peut prendre place tout autour de la scène comme à la Philharmonie de Paris, la salle Santa Cecilia à Rome ou à la Philharmonie de Berlin. Depuis les sièges situés derrière l’orchestre, vous pourrez profiter pleinement des intentions du chef d’orchestre que vous aurez face à vous !
Notez cependant que votre perception sonore sera différente, car vous serez assis à proximité des instruments à vents. Ces places ne sont pas à privilégier lors de concerts ou les voix sont présentes, car elles vous sembleront alors très éloignées depuis votre place…
d. La danse et le ballet, ou lorsque prime la dimension visuelle et spatiale
S'il est possible de profiter d'un concert malgré une vue limitée (on n'écoute pas avec ses yeux, encore que...), il est primordial de s'assurer une parfaite visibilité pour les spectacles de danse. On doit pouvoir voir les mouvements généraux, les lignes tracées par les danseurs, les entrées et les sorties ...
Les nouveaux outils pour se projeter davantage et vivre une immersion digitale
Aujourd'hui de nombreuses salles ont mis en place un système que vous permet de faire une simulation depuis votre siège au moment de la réservation de votre billet en ligne. Cela est très pratique !
Si vous souhaitez acheter un billet en ligne sur le site de la Philharmonie de Paris, par exemple, vous devrez d’abord sélectionner votre tarif dans un menu déroulant. En fonction des places disponibles, il vous sera attribué une place que vous pourrez modifier librement sur le plan de la salle. Sur la droite de cette même page, vous pourrez voir une photo de la scène comme si vous étiez assis sur le siège que vous avez choisi. Et si vous changez de siège, l’image de la scène se réajustera.
Sur le site de l’Opéra de Paris, pour chaque date de représentation vous pourrez au choix :
- voir le plan par catégorie de siège - voir le plan en 3D.
Pour continuer votre réservation il vous sera demandé de créer un compte et vous pourrez ensuite visualiser la scène depuis votre place.
La réservation est un peu différente sur le site de l’Opéra comique mais elle offre également cette possibilité de visualiser la scène depuis son son siège. Pour chaque spectacle, vous verrez d’abord un plan de la salle. En passant la souris de votre ordinateur sur les différents balcons, vous en connaîtrez le prix. Il vous suffira alors de cliquer pour réserver votre place et vous pourrez, là encore, vérifier la vue que vous aurez sur la scène, avant de valider votre achat.
Vous pourrez ensuite vérifier sur les plans interactifs des salles, si cette proposition est conforme à vos souhaits.
Ces simulations ont le mérite de nous rassurer sur la visibilité des places proposées. Cependant, et au risque de nous répéter, nous ne saurions trop vous conseiller d’appeler directement les agents chargés de la vente des places qui sauront, en cas de doutes, vous conseiller.
Merci à Jean-Jacques Griot pour ce contenu écrit à 4 mains.
Si vous ne connaissez pas, découvrez vite le site d'Écoute classique :
et surtout ... allez au concert, osez, découvrez, testez !
Si vous avez besoin de quelques clés d'écoute, découvrez vite le livre de Jean-Jacques Griot Ecouter la musique classique, ça s'apprend, ed. Eyrolles, 2022.
Postlude :
Enfin, pour les fans des théâtres à l'italienne, voici les plus belles salles à découvrir.
En Italie :
Teatro San Carlo de Naples (1737)
Teatro Massimo de Palerme (1875-1891)
La Scala de Milan (1778)
Teatro comunale de Bologne (1763)
Teatro della Pergola de Florence (1656)
Teatro Carlo-Felice de Gênes (1828), partiellement détruit pendant la Seconde Guerre mondiale et rouvert en 1991
La Fenice de Venise (1792), brûlé en 1836 et 1996 et rouvert en 2004
Teatro della Concordia de Monte Castello di Vibio, le plus petit théâtre à l'italienne du monde !
Et en France :
Théâtre à l'italienne d'Aix-les-Bains, dit Théâtre du Casino Grand-Cercle (Savoie) |
Grand Théâtre de Tours
Grand Théâtre de Bordeaux
Théâtre de Tarascon (Bouches-du-Rhône) : 1886-1888
Comédie-Française à Paris : 1680
grande salle du Théâtre des Champs-Élysées à Paris : inauguration en 1913
Théâtre à l'italienne de Douai
Théâtre d'Arras
Théâtre à l'italienne d'Évreux (Eure)
Théâtre à l'italienne de Guéret (Creuse)
Théâtre à l'italienne de Pézenas (Hérault)
Théâtre à l'italienne de Roanne (Loire)
Théâtre à l’italienne de Cherbourg-en-Cotentin (Manche)
Théâtre à l'italienne de Dole (Jura) inauguré en 1843 et rénové de 2015 à 2021.
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