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Photo du rédacteurCamille Prost

Composer selon Brice Le Clair

Dernière mise à jour : 27 févr.

Le jeune compositeur Brice Le Clair nous parle ici de son travail, de ses aspirations et de ses sources d'inspiration. Une découverte de son œuvre grâce à un jeu de questions - réponses !

Brice, vous êtes compositeur et interprète, comment vivez-vous cette double carrière ?

Je fais de l’alto et de l’orgue depuis mes 13 ans et j’ai toujours écrit. C’est un besoin. Au départ j’écrivais de petites pièces pour alto, notamment pour développer ma technique, puis cette activité a pris une part croissante dans ma vie. Aujourd’hui j’aspire à écrire davantage, tout en maintenant, dans la mesure du possible, une carrière de musicien interprète.



Plus précisément, en quoi votre travail d’interprète nourrit votre travail de compositeur ?

Jouer au sein d’ensembles, notamment au sein d’orchestres symphoniques, m’a beaucoup appris. Vivre l’orchestre de l’intérieur m’aide dans l’écriture, plus précisément dans l’orchestration. C’est aussi une source d’inspiration importante : imaginer des couleurs inédites, apprécier les timbres, se laisser surprendre par des associations instrumentales ou des modes de jeux subtiles …

Je participe aussi aux créations de mes œuvres de musique de chambre en tant qu’altiste et

j’apprécie tout particulièrement les échanges qui découlent de ces sessions de travail. Ces

discussions permettent d’ajuster l’écriture, notamment sur l’aspect technique propre à chaque

instrument. En tant qu’organiste, enfin, jouer la musique de Bach a été très bénéfique pour développer un sens de la forme.


Vous êtes altiste et organiste en effet, que vous ont appris les pratiques de ces deux répertoires si différents ?

L’alto, c’est la ligne, la mélodie, le chant, l’expressivité en somme. L’orgue, c’est la verticalité, tant dans les gestes de l’interprète que dans la polyphonie qu’ils impliquent… C’est sont donc des instruments très complémentaires.

Cette double pratique est extrêmement nourrissante pour un créateur.



Les marches du temple  2021 (captation de concert) :


Question beaucoup plus difficile : comment qualifieriez-vous votre musique ?

Je ne suis pas le mieux placé pour la décrire, mais j'ai envie ici de mettre en avant son aspect consonnant. Je mobilise les instruments traditionnels acoustiques pour une esthétique sensible, expressive et introspective. Je laisse l’auditeur entrer dans un certain état émotionnel pour le laisser voyager dans des univers contrastés, grâce à un travail sur les textures et sur le développement organique de motifs.

J’aime les lignes brisées, les cassures. Certains parlent de musique illustrative, je suis d’accord à condition que chacun laisse libre court à son imagination !


Pour nourrir cette esthétique que nous qualifions de « nouvelle musique consonante », vous

puisez votre inspiration dans la Nature, plus particulièrement dans un va et vient entre l’écriture musicale et l’observation des végétaux et des minéraux via la photographie. Expliquez-nous !

La nature, dans ces aspects les plus sombres, me parle particulièrement : les paysages hivernaux désolés, les espaces chaotiques et désertiques, le brouillard qui crée des effets de flou sur les lignes, des roches brutes, des courts d’eau sauvages ou des végétaux entremêlés… La Nature est parfaite, j’aime l’idée de retranscrire formellement certains phénomènes naturels : certaines lignes mélodiques sont comme des lianes ou des plantes qui évoluent organiquement dans un milieu adéquat.


Liane sur mur - Photo ©BriceLeClair


Vos inspirations majeures sont extramusicales. Parlons des artistes plasticiens qui vous touchent…

J’aime les tableaux qui me permettent d’entrer dans un univers imaginaire, fantastique ou abstrait. L’art est pour moi une porte ouverte pour l’imagination, les surréalistes notamment Salvador Dalí sont des maîtres en la matière. Je suis aussi très sensible à la violence qui se dégage des œuvres de Zdzisław Beksiński ou d’autres univers fantastiques. Dans l’art abstrait, j’aime les jeux de lignes et de rythmes, chez Joan Miró par exemple. Les artistes plasticiens ont beaucoup à nous apprendre : structure d’ensemble, équilibre formel et narrativité des motifs… Au-delà de l’histoire de l’art occidental, d’autres cultures m’inspirent au quotidien, des masques africains à l’estampe japonaise.


Visions japonaises 2018 (Montage vidéo) :


La littérature est aussi primordiale dans votre travail…

Oui, j’ai mis en musique des poèmes : des haïkus japonais, des poèmes d’Emily Dickinson, mais aussi des textes sacrés. Il y a une forme d’abstraction qui m’attire dans la poésie ; le fait que les jeux de langage ouvrent des possibilités en termes de signification est une aubaine pour la mise en musique !


Les cahiers d’Emily 2019 (Audio) :


Les haikus parviennent en peu de mots et avec une extrême économie de moyens à évoquer une réalité fine et sensible. La littérature fantastique est aussi centrale, avec une passion pour le Horla de Maupassant que je rêve de mettre un jour en musique !


Vous écrivez sans vouloir à tout prix tout noter, tout indiquer. La liberté laissée à l’interprète est importante dans votre conception de la composition. Cet aspect est saillant dans nos échanges ; vous défendez une écriture non prescriptive.

C’est en effet un fil rouge et quelque chose qui me guide au quotidien : tant de mes goûts artistiques que dans ma manière de percevoir mon rôle de compositeur. Je prône une liberté d’interprétation pour les musiciens et suis heureux quand je vois qu’ils s’approprient pleinement ce que j’ai écrit.


Quels sont vos projets ou envies pour la suite ?

Je suis en train de produire mon premier disque et d’écrire des pièces d’orgue à visée pédagogique qui m’ont été commandées par Sylvie Mallet, professeur au CRR de Paris. Elle a été ma première Professeure ! Je réfléchis aussi à créer un collectif de compositeurs dont la plupart seraient issus de la classe d’Eric Tanguy, ce qui permettra de mettre en avant divers styles et esthétiques, en donnant des concerts très éclectiques. Je commence aussi à écrire des pièces pour un effectif plus important, j’écris pour orchestre actuellement… J'aimerais beaucoup avoir la chance d'être accueilli en résidence pour cela, car l'écriture de telles œuvres demande un engagement maximal et un temps de travail très condensé.


Qu’est-ce que représente le fait d’être artiste pour vous, en 2024 ?

C’est un statut difficile et une carrière périlleuse. Ce n’est pas évident de trouver sa place dans un monde très concurrentiel et où les aspects de communication sont décisifs. J’ai envie de profiter des outils digitaux pour montrer mon travail et faire connaître à un public large ce qu’est le quotidien d’un compositeur interprète. Finalement, rares sont les compositeurs à communiquer ainsi...


Merci beaucoup, Brice, nous avons hâte d'écouter votre premier disque et d'entendre vos prochaines pièces en concert.



Brice Le Clair est accompagné par Calamus Conseil, en partenariat avec Lesne Formation.

Vous pouvez suivre toute son actualité sur Linkedin et instagram.

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